Des prises électriques comme les autres
Dans l’objectif d’une harmonisation continue et d’une réduction de la consommation, l’Union européenne vient de mettre à jour ses règles d’écoconception pour les chargeurs USB-C et sans fil. Les constructeurs ont jusqu’en 2028 pour se préparer, avec à la clé des économies attendues loin d’être anodines.
Le texte, publié le 13 octobre par la Commission européenne, est une extension significative de l’actuel règlement sur les chargeurs. La nouvelle législation est beaucoup plus ambitieuse, car elle généralise les règles d’écoconception à un plus grand nombre de cas de figure, loin des seuls domaines mobiles comme les smartphones et tablettes.
400 millions de chargeurs vendus par an
Sont ainsi concernées de nombreuses catégories de produits, dont les ordinateurs portables, les écrans d’ordinateurs, les routeurs et autres bornes Wi-Fi, les batteries externes et bon nombre de produits ménagers. En clair, tout ce qui se recharge à l’aide d’un chargeur dont la puissance n’excède pas 240 watts. Il y a toutefois des exceptions, dont tout ce qui fonctionne en conditions humides, les jouets, aspirateurs, la plupart des outils électriques et équipements audio. En tout, la Commission estime que ce sont pas moins de 400 millions de nouveaux chargeurs qui sont achetés chaque année dans l’Union, qu’ils soient fournis avec les produits ou achetés séparément.
« Avoir des chargeurs communs pour nos smartphones, ordinateurs portables et autres appareils que nous utilisons tous les jours est une décision intelligente qui donne la priorité aux consommateurs tout en réduisant le gaspillage d’énergie et les émissions. Le changement concret que nous introduisons aujourd’hui dans le domaine de l’approvisionnement externe en énergie aidera les Européens à économiser de l’argent tout en réduisant notre impact environnemental, et prouve que l’innovation peut être à la fois source de progrès et de responsabilité », a déclaré à cette occasion Dan Jørgensen, commissaire européen chargé de l’énergie et du logement.
Rappelons que ce règlement vient compléter d’autres déjà disponibles depuis quelques années, notamment celui entré en vigueur fin 2024 pour consacrer l’USB-C comme port de recharge universel, notamment sur les smartphones, tablettes et ordinateurs portables. Il est également en phase avec les nouvelles étiquettes énergie obligatoires depuis juin dernier.
Le cœur du règlement
Avec le nouveau texte, l’Union européenne réclame désormais des exigences minimales pour tous les chargeurs, nommés EPS dans le texte pour External Power Supplies. Pour l’ensemble des produits concernés, les chargeurs filaires devront obligatoirement proposer un port USB-C accompagné d’un câble détachable. Dans le cas d’une panne de l’un ou de l’autre, il faut pouvoir le remplacer séparément. Les câbles eux-mêmes devront afficher leur puissance nominale de 60 ou 240 W.
Comme indiqué, la puissance maximale sera de 240 watts, correspondant au maximum de l’actuelle norme Power Delivery, comme nous l’avions expliqué au printemps dernier. Les exigences se font également plus strictes sur l’efficacité énergétique. Par exemple, la consommation à vide (quand le chargeur est branché mais inutilisé) ne devra pas excéder 0,3 W.
En outre, tous les chargeurs fonctionnant entre 10 et 240 W devront afficher une meilleure efficacité énergétique (rendement) pour mieux contrôler les déperditions d’énergie. Le règlement réclame également une meilleure efficacité en puissance de charge partielle, plus spécifiquement à 10 % de la puissance nominale. Tous les détails se trouvent dans la première annexe.
Les chargeurs sans fil sont également abordés. La Commission note qu’ils consomment davantage que les chargeurs filaires, mais eux aussi devront se montrer plus efficaces, notamment vis-à-vis de leur popularité grandissante.
Pour marquer la séparation entre les chargeurs compatibles avec les nouvelles exigences et les anciennes générations, un logo « EU Common Charger » devra être affiché sur les boites et les chargeurs.
À noter que le texte fait également rentrer les chargeurs de plus de 250 W dans le giron du règlement européen de 2019 sur l’écoconception. Pour ces modèles plus puissants et moins nombreux, que le nouveau règlement ne prend pas directement en compte, la Commission estime qu’ils devraient être « alignés avec les régulations et standards internationaux ».
Trois ans pour se mettre à jour
La nouvelle réglementation sera publiée au Journal officiel « dans les semaines à venir » de l’Union européenne, puis entrera en vigueur 20 jours après.
À compter de là, les constructeurs auront trois ans pour s’y faire, car l’entrée en application interviendra fin 2028. Comme on l’a vu, les points de contrôle seront nombreux, mais l’ensemble devrait concourir à faire baisser les déchets électroniques et la consommation générale.
On peut donc s’attendre à une généralisation de certains comportements, comme chez Apple avec les derniers MacBook Pro M5, qui ne sont plus fournis avec le chargeur. Pour d’autres constructeurs qui n’auraient pas commencé à se pencher sur le sujet, il faudra modifier les chaines de production. À terme, la possession d’un ou plusieurs de ces chargeurs devrait effectivement se traduire par une réduction des déchets.
Les bénéfices attendus
Quels sont les effets attendus par la Commission ? D’ici 2035, elle attend des économies annuelles de 3 % de la consommation d’énergie sur le cycle des alimentations externes, « ce qui correspond à l’énergie utilisée en un an par environ 140 000 voitures électriques » selon la Commission. Sur ce même cycle, les émissions de gaz à effet de serre devraient baisser de 9 % et les émissions de polluants de 13 %. Financièrement, le changement se traduirait par des économies de 100 millions d’euros par an dans l’Union à compter de 2025, par le réemploi des chargeurs déjà possédés.
Surtout, la Commission s’attend à ce que la normalisation stricte de tous les chargeurs induise une hausse significative du confort chez les citoyens européens, puisqu’ils devraient pouvoir à terme utiliser n’importe quel chargeur entre de nombreuses catégories de produits. Ce serait la fin des chargeurs incompatibles.
Pour la Commission européenne, cela devrait notamment conduire « à l’interopérabilité de 35 à 40 % supplémentaires du marché européen des EPS, en plus des quelque 50 % déjà supposés l’être en raison de la directive sur les équipements radioélectriques ».